Passer d'une autoroute urbaine à un espace public

Projet de pistes cyclables sur la Petite Ceinture: une première étape

Le 27 mars, le ministre bruxellois de la Mobilité, Pascal Smet, a publié le projet régional pour l’aménagement de pistes cyclables sur la Petite Ceinture. En même temps, le site web petite-ceinture.brussels a été lancé. Une répartition plus équilibrée de l’espace pour les piétons, cyclistes et automobilistes : nous ne pouvons que nous en réjouir, ensemble avec les mouvements cyclistes (GRACQ, Fietsersbond, EUCG, Critical Mass Brussels, Cycloperativa, Velodossier et autres).

Alors, tout est réglé ? L’honnêteté commande d’apporter quelques remarques. En effet, force est constater que le projet de la Région s’écarte, à bien des égards, de ce que nous proposons sur PetiteCeinture.be.

Pistes cyclables et trottoirs. Les parties centrales: pas concernées. Image originale © petite-ceinture.brussels

Pistes cyclables et trottoirs. Les parties centrales: pas concernées.
Image originale © petite-ceinture.brussels

Autoroute urbaine avec pistes cyclables ?

Une première distinction, qui en explique du coup toutes les autres, est l’horizon temporel. Les pistes cyclables seront aménagées à court terme (2017-2020). En revanche, PetiteCeinture.be présente une vision dont l’impact est plus vaste et plus profond, et qui devra être mis en œuvre de manière progressive dès aujourd’hui pour une période de 20 ans.

« Un partage optimal (!) de l’espace public » et « un espace sûr, confortable et agréable pour les PMR, les piétons et les cyclistes », c’est ce qu’indique le site régional. Le projet promet en effet une amélioration considérable pour tous ceux qui se déplacent à pied et à vélo le long de la Petite Ceinture. Toutefois, il est peu probable que l’on arrivera à « une meilleure qualité de vie ». En soi, des pistes cyclables et des trottoirs élargis ne mèneront pas à une meilleure qualité de vie, tant qu’ils ne font pas partie d’une politique directive en matière de mobilité. En l’absence de mesures visant à rationaliser l’usage de la voiture particulière [1] , nous ne devons pas compter sur une réduction significative de la pression automobile sur les boulevards et de la pollution de l’air qu’elle engendre.

Sur les grands axes routiers, on observe des concentrations dangereuses de NO2. Pourtant, l'Europe n'autorise pas de moyennes annuelles supérieures à 40 µg/m3.

Pollution de l’air sur les grands axes routiers.

Nous pourrons nous attendre à « plus de fluidité pour le trafic automobile » : au niveau des carrefours, les temps d’attente seront réduits. Cependant, ce type de mesures n’est pas structurel dans la lutte contre les files. Le défaut le plus important du projet est le choix de limiter les interventions d’infrastructure aux voies latérales. Pour ce qui est des voiries centrales et leurs tunnels, rien ne changera : « concentrer le trafic de transit en souterrain et sur l’axe central ». La Région continue à faciliter la circulation rapide. La Petite Ceinture deviendra une autoroute urbaine cyclable. Les boulevards resteront une barrière entre les quartiers.

Pour un nouvel espace public au cœur de la ville

PetiteCeinture.be repense fondamentalement le rôle de la Petite Ceinture en ville. Il s’agit de bien plus que des pistes cyclables et des trottoirs : notre proposition transforme les boulevards en un espace urbain, qui rapproche les quartiers et les gens. Un espace qui n’est pas seulement utilisé pour les déplacements – à pied, à vélo et en voiture – mais également pour les rencontres et la convivialité, pour les activités tant productives que récréatives. Et que le Bruxellois a un grand besoin de tels endroits, selon les dires des comités de quartier autour du boulevard Poincaré. [2]

Toutes ces fonctions peuvent trouver leur place à condition que l’espace de la Ceinture soit pensé de façon intégrée, de façade à façade. La Région ne l’envisage qu’entre Louise et la Porte de Namur. Pour le réaménagement de cette partie, elle a organisé fin 2015 un concours d’architecture sous la supervision du Bouwmeester – Maître architecte. Le résultat de ce concours n’est pas encore connu. En outre, ce projet, quant à lui, ne touche pas aux flux de transit non plus.

Profil du boulevard Bischoffsheim

Nous devons oser toucher aux voies centrales et aux tunnels.
© Rien van de Wall & Wim Menten

En tant que PetiteCeinture.be, nous devons donc continuer à insister : si nous voulons véritablement rendre les boulevards aux Bruxellois, alors un plan intégral de mobilité et d’espace public est une nécessité. Une vision de long terme, définissant combien de bandes de circulation peuvent être supprimées, quels tunnels peuvent être mis hors service et à quels moments tout cela peut se réaliser, sans mettre en danger l’accessibilité des quartiers. Un plan qui détermine également, en concertation avec les parties prenantes, comment l’espace libéré peut être réaménagé.

Trop ambitieux ? Irréaliste ? Pas du tout. Des exemples à suivre sont trouvés autre part dans le monde. A San Francisco, New York, Portland et Seoul, des autoroutes urbaines sont redevenues des boulevards. Plus près d’ici, Lyon [3] et Paris [4] s’engagent dans le même sens.

En comparaison avec ces exemples trouvés à l’étranger, l’ambition bruxelloise pour la Petite Ceinture est plutôt restreinte. Nous concluons : le projet des pistes cyclables est une étape courageuse vers une « city for people » [5] … mais il reste encore du travail à accomplir.