Défis bruxellois
De nos jours, Bruxelles et ses quartiers centraux sont confrontés à différents défis de société. L’aménagement du territoire et plus particulièrement du domaine public peut fournir une réponse à bon nombre d’entre eux. Il faut garantir l’accessibilité de la ville, ses habitants veulent pouvoir y mener une vie saine et de qualité, et les espaces verts viennent consolider le centre-ville sur le plan tant social et économique qu’écologique.
Heure de pointe dans le tunnel Madou.
© Rien van de Wall
La zone de la Petite Ceinture recèle un potentiel immense qui peut aider à relever chacun de ces défis. Objectif de la proposition de réaménagement : exploiter ce potentiel.
Une ville accessible | Un cadre de vie sain et agréable | Liaisons vertes et bleues | Le potentiel de l’espace-ceinture
Une ville accessible
Il y a plusieurs années que Bruxelles figure dans le classement des villes les plus embouteillées du monde et ce record a de nouveau été battu en 2015. Si la tendance se poursuit, il y aura 25% de files supplémentaires sur nos routes en 2030. Le système de mobilité actuel est devenu intenable : l’accès à la capitale est compromis, tandis que les coûts engendrés par les embouteillages s’élèvent à des millions d’euros.
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À Bruxelles, nous sommes chaque jour confrontés à l’évidence : la manière dont nous organisons nos déplacements à l’heure actuelle est intenable. Les embouteillages, qui auparavant accablaient la capitale aux heures de pointe, se sont transformés en bouchons permanents. Chaque année, différentes entreprises publient un classement des villes selon leur niveau d’encombrement routier : Bruxelles figure invariablement dans le top 10 européen et a même dominé le classement mondial à plusieurs reprises.
Cette situation coûte des millions d’euros à la société et à l’économie. Les entreprises tirent la sonnette d’alarme. Selon une étude publiée en 2013 par Beci, l’organisation des employeurs bruxellois, le coût annuel du système de mobilité actuel s’élève à 511 millions d’euros. Ce montant n’englobe pas seulement la perte d’heures de travail, mais aussi les coûts liés à la pollution et les accidents.
Place Sainctelette : les cyclistes sont obligés de louvoyer entre les voitures en file.
© Rien van de Wall
En outre, l’accessibilité de la capitale est mise en péril, ce qui porte préjudice aux marges bénéficiaires des entreprises. Beci affirme que sept entreprises sur dix envisagent de quitter Bruxelles. Inutile d’être devin pour prévoir les conséquences néfastes de leur départ sur les performances économiques et le marché du travail, précaire dans la Région.
Nos habitudes de déplacement entraînent des désavantages sur le plan social aussi. L’organisation de la mobilité devrait répondre aux besoins de chacun. Or, les personnes qui aujourd’hui ne peuvent ou ne veulent pas prendre en charge les coûts liés à la possession et à l’utilisation d’une voiture – sans oublier les enfants et les personnes âgées – n’ont pas accès à une mobilité équivalente. La densité permanente du trafic a en effet un impact négatif sur la circulation des transports en commun en surface et se déplacer à vélo à Bruxelles restera un défi tant que les bandes de circulation et les places de parking auront la priorité sur la création de pistes cyclables confortables et sécurisées. Ce manque d’accès aux transports empêche une pleine participation à la société.
Un cadre de vie sain et agréable
La qualité de vie dans les quartiers du centre de la capitale est perçue négativement, malgré l’offre variée en équipements urbains et en loisirs. Entre autres raisons invoquées pour expliquer l’exode urbain constant, il y a un certain manque d’espaces ouverts, d’espaces verts, de tranquillité et d’air pur. Par ailleurs, il n’est plus possible de nier l’impact de la pollution de l’air sur la santé des Bruxellois.
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La population bruxelloise a beau augmenter en permanence – en 2014, la croissance démographique était de 1% –, les personnes qui quittent la Région de Bruxelles-Capitale pour la Flandre et la Wallonie sont chaque année plus nombreuses que celles qui font le mouvement inverse. En 2014, la différence se montait à 13 000 unités.
Un cadre de vie qualifié de faible dans les quartiers centraux.
Ces chiffres s’expliquent par une conjonction de facteurs. Un certain nombre d’entre eux sont liés à la qualité perçue de l’environnement. Le manque de calme et d’espaces verts, le bruit, la circulation et la pollution en ville sont évoqués dans une étude effectuée en 2003 pour expliquer le déménagement dans des lieux moins urbanisés, principalement par les personnes d’âge moyen et les couples avec enfants. 57% des émigrés bruxellois déclaraient qu’ils voulaient s’installer dans un cadre plus calme. 54% estimaient que l’absence d’un (grand) jardin constituait une raison suffisante pour déménager. Enfin, 39% citaient le manque d’espaces verts.
La qualité perçue de l’environnement n’est évidemment pas la même partout dans la Région. Les données de l’enquête socioéconomique menée en 2001 indiquent clairement que les environnements de vie qui obtenaient les évaluations les plus faibles se situaient pour l’essentiel dans les quartiers du centre. L’enquête portait sur les évaluations des habitants concernant le calme, la qualité de l’air, la propreté et les espaces verts dans leur environnement direct.
Au début des années 90, la Région bruxelloise a créé un nouvel instrument, les contrats de quartier, avec pour objectif principal de lutter contre l’exode urbain en améliorant le cadre de vie. À ce jour, ces contrats restent centrés sur les quartiers « défavorisés » du Pentagone et de la première couronne.
La fonction de l’espace public en tant que lieu de rencontre et de détente dans ces zones fortement urbanisées ne doit pas être sous-estimée. La revalorisation de cet espace constitue dès lors un volet permanent des contrats de quartier. L’emprise de la voiture sur le domaine public a été diminuée, tandis que des aménagements ont été réalisés pour améliorer la sécurité routière. Néanmoins, compte tenu de la faible ampleur de ces interventions, leur impact sur la circulation à l’échelle régionale s’est révélé extrêmement limité.
Sur les grands axes routiers, on observe des concentrations dangereuses de NO2. Pourtant, l’Europe n’autorise pas de moyennes annuelles supérieures à 40 µg/m3.
Quant à la qualité de l’air, les chiffres publiés ces dernières années sont inquiétants. La principale source de polluants atmosphériques, c’est la circulation automobile. Les concentrations les plus élevées en particules fines, les plus nocives, s’observent au niveau de la Petite Ceinture et du quartier européen. En ce qui concerne les oxydes d’azote, ce sont les zones en bordure de la Petite Ceinture et au cœur du quartier européen qui sont les plus touchées. « Sur les axes fréquentés et dans les rues avoisinantes, les concentrations annuelles restent en moyenne supérieures au plafond européen de 40 µg/m3 », explique la Cellule Interrégionale de l’Environnement.
En mars 2015, le Bureau Européen de l’Environnement, une fédération d’ONG, se montrait particulièrement critique à l’égard de la politique de mobilité à Bruxelles. En octobre, un groupe important de médecins et d’organisations de la santé publique rappelaient dans une lettre ouverte que chaque année, 632 Bruxellois décèdent prématurément des suites de la pollution atmosphérique. Et encore en mai 2016, la Commission européenne a mis Bruxelles et la Belgique en demeure parce que la qualité de l’air s’y améliore à peine. Tous pointent du doigt la circulation automobile. Ses effets sur la santé se font particulièrement ressentir chez les fœtus et les nouveau-nés.
Parc de la Porte de Hal. © Ianthe De Boeck
Liaisons vertes et bleues
Les espaces verts sont répartis très inégalement sur le territoire de la Région. Dans les quartiers du centre, le pourcentage de surfaces asphaltées et imperméables atteint 95%. Pourtant, en ville, les espaces verts (et bleus) s’accompagnent de nombreux avantages : des températures moins extrêmes, des prix plus élevés pour l’immobilier et un meilleur fonctionnement du réseau d’égout, pour n’en citer que quelques-uns.
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Le maillage vert.
À l’international, Bruxelles est considérée comme une ville très verte. Les espaces verts y occupent plus de 8000 hectares, soit 53% du territoire régional. Mais seuls 42% d’entre eux correspondent à des jardins et domaines privés, situés principalement dans la deuxième couronne. Dans le Pentagone et la première couronne, les parcs publics sont les seuls espaces verts notables. Or, les plus vastes se situent tous, à l’exception du Parc royal, en bordure extérieure de la première couronne (Parc Élisabeth, Parc de Forest, Parc du Cinquantenaire etc.).
De plus, ils s’apparentent encore trop souvent à des îlots de verdure noyés dans un environnement pour le reste entièrement construit. Pour préserver et développer la biodiversité en ville – un des objectifs principaux de l’Europe –, il faut que ces espaces verts soient reliés entre eux dans le cadre d’un maillage vert.
La part des surfaces imperméables est la plus élevée dans les quartiers centraux.
À Bruxelles, ce maillage se concrétise de diverses manières : rues arborées, accotements de rues et voies ferrées engazonnés, jardins privés et cimetières. Mentionnons encore la Promenade verte, aménagée au niveau de la deuxième couronne : elle relie les espaces verts situés en périphérie de la Région. De là, des « continuités vertes » doivent mener à la première couronne et au Pentagone. Notons que des axes structurants comme la Petite Ceinture ou l’avenue Louise, dont le Plan Régional de Développement Régional (2002) entend pourtant conserver le caractère d’avenue au moyen de plantations, ne font pas partie de ce maillage.
Les surfaces imperméables se concentrent dans le Pentagone et la première couronne, les quartiers les plus densément bâtis de la Région. Plus des trois quarts de leur surface sont bétonnés. Précisons à titre de comparaison que la moyenne régionale s’élève à 46%. Dans la ville basse et les quartiers longeant le canal, l’intérieur des îlots est souvent construit : le pourcentage des surfaces imperméables y varie de 80% à 95%. L’eau, incapable de percoler dans le sol, est évacuée par les égouts, ce qui en période de fortes pluies peut provoquer une surcharge et des inondations. À l’heure actuelle, le maillage bleu, constitué depuis 1999 par Bruxelles Environnement en vue de créer un ensemble écologique cohérent, se limite aux cours d’eau existants et majoritairement encore visibles de la deuxième couronne.
L’îlot de chaleur urbain à Bruxelles. La nuit, il fait presque 3 degrés de plus dans le centre-ville que hors de la ville.
Source : IRM 2012.
Dans les zones fortement urbanisées, le « phénomène de l’îlot de chaleur » joue à plein. En été, la ville enregistre fréquemment des températures de quelques degrés plus élevées que les régions rurales. L’omniprésence de surfaces sombres et imperméables en est la principale raison. Étant donné la conjonction de la croissance de la population urbaine et du changement climatique, qui provoque une multiplication des pics de chaleur, il y a urgence. Certains groupes démographiques, à savoir les enfants et les personnes âgées, sont plus sensibles au phénomène que d’autres. Il faut absolument prévoir un nombre suffisant d’espaces verts et ouverts dans les quartiers comptant une forte population jeune ou un grand nombre d’écoles, des maisons de repos et d’hôpitaux. Associer eau et végétation constitue la solution la plus efficace. Une étude montre qu’à Bruxelles, le phénomène de l’îlot de chaleur urbain s’observe principalement dans les quartiers centraux et dans la zone du canal.
Compte tenu du rôle important que jouent les espaces verts dans la valorisation de l’environnement, il convient de ne pas sous-estimer leurs effets sur la valeur de l’immobilier. Ils renforcent en outre l’attrait d’un lieu aux yeux d’entreprises qui souhaiteraient s’y installer, ainsi que la productivité du travail. Enfin, les sommes dépensées par les consommateurs dans les secteurs du commerce, de l’horeca et du tourisme bénéficient à l’économie urbaine et à la création d’emplois.
Le potentiel de l’espace-ceinture
Le boulevard du Midi et l’avenue de la Porte de Hal peuvent être aménagés comme un parc linéaire.
© Wim Menten
Le tracé de la Petite Ceinture forme un terrain allongé non bâti d’un seul tenant, dont la surface totale représente une petite cinquantaine d’hectares, situé dans la partie centrale, qui est aussi la plus peuplée, de la ville. Il faut encore y ajouter une vingtaine d’espaces publics contigus aux boulevards ou dans leur voisinage immédiat, certains plus étendus et plus verdurisés que d’autres. Les occasions d’apporter une réponse aux enjeux cités ci-dessus sont ici légion.
La proposition de réaménagement entend donc tirer parti du potentiel de la Petite Ceinture. Une zone aujourd’hui presque exclusivement dévolue à une fonction (la mobilité) et à un moyen de transport (l’automobile) peut demain être transformée en un territoire fournissant une multitude de services à la ville, à ses habitants et à ses utilisateurs.
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Une ville accessible – Alors qu’elle a été aménagée entièrement au bénéfice de la circulation automobile, la Petite Ceinture symbolise paradoxalement l’asphyxie qui frappe Bruxelles chaque jour. Augmenter l’espace alloué à la voiture constituerait un exploit technique et financier, mais se révélerait aussi (et surtout) totalement inefficace.
L’accessibilité de la ville doit être assurée par d’autres moyens. Dans la proposition, le réaménagement de l’espace de la Petite Ceinture est l’étendard d’une nouvelle mobilité urbaine, une mobilité caractérisée par une plus grande multimodalité et une moindre dépendance à la voiture.
Un cadre de vie sain et agréable – Redéfinir la signification des boulevards dans le tissu urbain et le réseau routier permet d’atteindre un meilleur équilibre entre l’espace réservé à la voiture d’une part et celui réservé aux piétons, aux cyclistes et à l’habitat d’autre part. La place qui revient à chacun de ces utilisateurs varie selon la fonction de circulation des boulevards. Supprimer l’effet de barrière de l’infrastructure constitue une priorité.
Un espace dynamique de rencontre et d’évènements entre Louise et la Porte de Namur.
© Rien van de Wall & Wim Menten
La redistribution de l’espace se fonde sur les caractéristiques et les besoins de l’environnement traversé. Les boulevards réaménagés sont « activés » par de nouvelles fonctions urbaines et gagnent en attractivité. L’espace public relie les quartiers situés des deux côtés de ces boulevards et résout la pénurie de lieux de rencontre et de récréation (sport ou autre) dans les quartiers du centre. La réduction de la circulation automobile améliore la qualité de l’air dans les quartiers proches mais aussi dans toute la ville.
Liaisons vertes et bleues – Le réaménagement des boulevards s’accompagne d’une verdurisation intégrale. Le maillage vert des quartiers centraux est doté d’une structure principale solide qui connecte entre eux les parcs et jardins existants. Une alternance de zones construites et de zones vertes ouvre de nouvelles perspectives pour la faune et la flore, réduit le phénomène d’îlot de chaleur et améliore la qualité de l’environnement pour les habitants. Enfin, des interventions sont réalisées sur les pentes et les parties basses des boulevards afin de faciliter la circulation de l’eau au niveau local.