Une politique directive en matière de mobilité
La politique de mobilité actuellement appliquée à Bruxelles se heurte à ses limites. Elle n’est pas en mesure d’encadrer la nécessaire transition de la mobilité urbaine vers davantage de déplacements multimodaux et donc moins dépendants de la voiture personnelle.
Pour restaurer l’accessibilité de la capitale et améliorer la qualité de vie, il faut une politique de mobilité plus directive. Une telle politique prend simultanément une série de mesures « push » et « pull ». La proposition d’aménagement des boulevards suivant le principe de redistribution y est étroitement liée : cette politique constitue une condition sine qua non pour la mise en œuvre de la proposition, mais inversement, le réaménagement constitue l’une de ses mesures les plus visibles, une sorte de projet phare.
Constat | Une politique qui fait elle-même des choix
Constat
Depuis sa naissance, la Région bruxelloise s’efforce de réduire la pression exercée par le trafic motorisé et d’aménager toujours plus d’espaces publics en lieu de rencontre. Cette politique a porté ses fruits dans les quartiers résidentiels. À l’exception d’une série d’itinéraires de contournement résistant à tous les efforts, les rues de ces quartiers sont libérées du trafic de transit. Quant aux places, elles retrouvent leur fonction d’origine au lieu d’être cantonnées à celle de parkings à ciel ouvert.
À ce jour, la politique refuse cependant de s’attaquer aux grandes voies de pénétration et de rocade. Les interventions destinées à améliorer la qualité de vie le long de ces axes doivent systématiquement garantir le passage de la circulation automobile. [1]
Reste à savoir si on peut encore parler de fluidité en 2016. Toute personne qui se déplace à Bruxelles se rend compte à quel point l’organisation de notre mobilité est devenue dysfonctionnelle. L’accessibilité de la capitale est en danger, alors même que les sacrifices que l’économie et la santé publique doivent consentir pour perpétuer le système se chiffrent en millions d’euros. Le Plan Iris 2, fil conducteur de la politique de mobilité régionale, ambitionne de réduire la circulation automobile de 20% à l’horizon 2018 par rapport à ce qu’elle était en 2001 [2] , un objectif dont on peut affirmer avec une probabilité confinant à la certitude qu’il ne sera pas réalisé.
C’est très clair : l’actuelle politique de mobilité menée dans la région métropolitaine de Bruxelles a atteint ses limites.
Une politique qui fait elle-même des choix
Pour restaurer l’accessibilité, rendre la mobilité plus démocratique et prendre de nouvelles mesures d’amélioration de la qualité de la vie et de l’habitat, une autre mobilité urbaine s’impose. Ce qui exige des changements dans les habitudes de déplacement des habitants, des navetteurs et des visiteurs. La politique, qui par définition doit agir dans l’intérêt général, a une responsabilité à assumer à ce niveau. Elle pourra influencer ces habitudes, et plus particulièrement les choix individuels en matière de moyens de transport, uniquement si elle fait elle-même des choix clairs et y associe des mesures politiques concrètes.
Dans le contexte bruxellois actuel, il ne fait aucun doute que la proportion de déplacements effectués à bord de voitures particulières, que ce soit pour entrer en ville, en sortir ou se déplacer sur son territoire, doit diminuer. À cet effet, la politique de mobilité dispose d’un arsenal de mesures pull et push. Le premier train de mesures, qui renforcent l’attrait des alternatives à la voiture, est bien connu. Les autorités compétentes semblent cependant rechigner à implémenter le deuxième train de mesures, destinées à rendre l’usage de la voiture beaucoup moins intéressant. Or, une politique de mobilité efficace nécessite la mise en œuvre simultanée de ces mesures pull et push.
Mesures pull
Les mesures pull prévoient des alternatives à la voiture particulière, ces alternatives étant de valeur équivalente (c’est-à-dire que leurs avantages se rapprochent de ceux associés à l’utilisation d’un véhicule personnel) et donc attrayantes. La politique actuelle fournit des efforts méritoires dans ce sens. Mais si elle entend faire en sorte que la ville reste accessible lorsque les mesures push accélèreront le transfert modal, elle devra multiplier ces efforts.
Mesures push
L’élargissement des mesures pull bénéficie très certainement à l’accessibilité de la ville. Néanmoins, il ne garantit aucunement que le nombre de voitures empruntant les rues bruxelloises diminuera ni que la qualité de la vie et de l’air en ville s’en trouvera améliorée. [3] Pour ce faire, une série de mesures push s’impose en vue de rationaliser l’utilisation de la voiture particulière. [4] Les mesures concrètes sont connues, mais les autorités belges ne les mettent pas encore en pratique.
Une histoire de carotte et de bâton
Il est indispensable de mettre en œuvre les mesures push et pull simultanément. Pourquoi ?
- Pour des raisons de faisabilité. En l’absence de toute offre d’alternatives sérieuses (pull), les mesures visant à décourager l’usage de la voiture n’aboutissent qu’à de faibles résultats. Sans compter que d’un point de vue social, la démarche n’est pas juste. Dans un tel cas de figure, il sera très difficile de créer une assise sociale pour les mesures push et les chances de réussite resteront minimes.
- Pour des raisons de rentabilité. Investir dans le développement des transports en commun et des infrastructures cyclistes (pull) donne des résultats plus rapides et plus nombreux lorsque des mesures push « poussent » sans délai les automobilistes vers ces modes de transport alternatifs. [9]
- Pour des raisons d’efficacité. Réduire la capacité (push) des principales voiries de la ville sans augmenter celle des autres modes de transport met l’accessibilité en danger. Par contre, le développement d’alternatives (pull) sans l’appui de mesures push n’offre aucune garantie de transfert modal de la voiture vers ces alternatives. [10] Et si ce transfert se fait malgré tout, la demande latente de déplacements annule son éventuel impact sur la pression routière. En effet, quel que soit le nombre d’automobilistes qui abandonnent leur voiture au profit des transports publics ou du vélo, l’espace libéré sur la route sera immédiatement occupé par d’autres automobilistes. [11]